Anatomie
de
la Dionée

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Comme chacune des parties de la plante est utilisable pour sa reproduction, voir également la page consacrée à La reproduction de la Dionée, qui contient aussi quelques informations sur sa génétique.

Voir la page sur Les variétés de la Dionée, qui présente pas mal de curiosités anatomiques.

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Introduction

Une présentation de l'anatomie de la Dionée ne peut commencer que par la feuille, si fascinante par sa mobilité et bien d'autres choses encore. C'est la seule partie de la plante qui soit visible toute l'année, bien qu'elle tende à disparaître en hiver.

La partie souterraine est un peu particulière et mérite aussi quelques remarques.

Enfin, la classification botanique s'intéresse traditionnellement à la fleur et quelques mots lui seront consacrés.Retour en haut de page

La feuille, premières découvertes

Ce qui frappe bien sûr avant toutes choses, ce sont les extraordinaires feuilles de la Dionée.

Celles-ci montrent comme des mâchoires, ce qui est rarissime et incongru pour une plante. Il existe un autre exemple, l'Aldrovanda, qui ressemble à une série de rosettes de Dionées aquatiques placées le long d'une tige comme des perles. Aldrovanda est vraiment une cousine de la Dionée, autant que le sont le Dauphin et le Chien, deux mammifères dont le premier s'est adapté à l'eau... Une plante de la Terre de Feu ressemble aussi à la Dionée. Elle est d'ailleurs mobile dans une certaine mesure mais n'est pas carnivore. Caltha dioneifolia, c'est son nom, ne se referme que la nuit, apparemment pour résister aux conditions climatique très froides, sur l'île la plus au sud du continent américain - où se trouve la fameuse ville d'Ushuaïa.

La première tentation est d'essayer de voir si les mâchoires se referment vraiment ou même "si ça fait mal" ! Le doigt est bien à portée de main, c'est le moins que l'on puisse dire, mais chacun préférera le conserver, sa repousse étant bien trop longue ;-) Aussi, on place n'importe quel objet de taille adaptée : stylo, gomme, etc. et le piège se referme... si la feuille est saine.

On réessaye une deuxième fois puis, finalement, le doigt y passe aussi. Il ressort indemne : même pas mal !

Ces expériences basiques, tout le monde les a faites, et pourtant elles sont à éviter : toutes ses fermetures inutiles épuisent la plante. Si la personne qui l'a fournie ne vous a pas prévenu, c'est qu'elle ne connaît rien à sa culture : avant que votre plante ne meure, oubliez ce qu'elle vous a dit et visitez d'urgence la page consacrée à la culture de la Dionée !Retour en haut de page

Le piège

Il est formé de deux lobes, recourbés vers l'intérieur lorsqu'ils sont encore fonctionnels, munis de dents sur le pourtour ("marginal trap spines" en anglais).
Dans le creux des lobes se trouvent des cils.

Les lobes sont la pièce maîtresse du système et sont réunis au niveau de la nervure centrale qui parcourt toute la feuille. La fermeture n'a strictement aucun rapport avec le piège à loup, même si la comparaison est très fréquente. Si vous sectionnez transversalement de vieux pièges (qui ne se fermeront pas lors de l'opération) vous remarquerez que l'angle formé par les deux lobes à leur base est le même ouvert ou fermé ! Vous l'avez certainement cru comme tout le monde mais cela ne fonctionne pas du tout comme une charnière et le terme est donc très inapproprié pour cette zone. En réalité, ce sont les lobes qui se courbent pour se fermer et qui vont se courber dans l'autre sens pour s'ouvrir ! Le mécanisme est détaillé dans cette simulation en Flash, exclusive : Le fonctionnement du piège de la Dionée.
Le piège vu de profil est en forme de "c" avec une courbure assez constante dans la nature. Selon les variétés horticoles (cultivars) il est en revanche plus ou moins arqué car la nervure centrale entre les lobes est elle-même plus ou moins courbe. On constate assez facilement qu'une courbure importante, si elle rend plus difficile l'amorce de la fermeture, augmente en revanche sa vitesse une fois lancée. Le fait d'observer des variations à ce niveau est intéressant : je pense qu'il y a sans doute des gènes régulateurs dont l'action permet dans la nature d'obtenir une vitesse de fermeture optimale moyenne. Chez les cultivars, ces écarts peuvent être plus grands, ils n'auront aucune conséquence vis à vis de la sélection naturelle...

La Dionée est une Droséracées et on considère parfois que ses ancêtres avaient des poils collants comme les Drosera, au moins une sécrétion collantes produite par des glandes. Un phénomène rarissime et transitoire produit une forêt de filament mais il est manifestement sans rapport. Voir à ce sujet ce passage dans la page sur les Variétés de la Dionée.

Les dents ne mâchent rien mais empêchent tout simplement les proies de s'échapper du piège refermé, qui est ainsi transformé en cage. On peut remarquer qu'elles agrandissent vraiment le piège, permettant aux petits insectes de passer entre elles lorsque la feuille est ouverte, mais plus une fois fermée car elles se croisent. La comparaison classique avec un piège à loup est encore illusoire car, dans ce cas, les dents se plantent dans la chair de l'animal alors qu'ici, elles jouent plutôt le rôle de barreaux... Il existe de nombreuses variations de formes chez les cultivars et elles peuvent même être colorées. La forme à dents courtes triangulaires existe dans la nature et a permis l'obtension des premières variétés horticoles, toutes classées dans le type "Dentate Trap", qui n'est donc pas une variété unique.

Malgré leur aspect de dard, les cils ne transpercent rien non plus, ils sont flexibles à la base, au contraire ! Leur forme est idéale pour n'offrir aucune prise à l'air ou à l'eau mais se fléchir souplement au contact d'un insecte, ce qui déclenche un signal : ils servent de capteurs de contact. Les cellules spécialisées concentrées dans la zone de pliure du cil (photo plus bas) sont capables de produire une dépolarisation de leur membrane, tout comme nos cellules du toucher. Cette dépolarisation n'est pas transmise à des cellules nerveuses - il n'y en a pas chez les plantes - mais aux cellules environnantes. (Voir dans les Dossiers pour le fonctionnement du piège.)

Une myriade de points plus ou moins rouges constellent tout l'intérieur du piège sauf sur le pourtour. On peut les voir à l'oeil nu plus facilement au niveau de la nervure centrale comme ci-dessus. Il s'agit de glandes, capables de sécréter des sucs digestifs dilués dans un abondant liquide, qui suinte quelquefois lors des digestions. Il faut savoir que la fabrication de tels produits est banal chez "toutes" les cellules, animales ou végétales, car ils servent au recyclage des constituants cellulaires. Ce qui est rare chez les plantes, c'est la possibilité de les sécréter, c'est-à-dire de les libérer en dehors de la cellule. C'est l'un des critères majeurs pour prouver la carnivorité : le piégeage peut avoir d'autres causes, une protection par exemple, et l'absorption des sels minéraux par les feuilles est banale - il y a même des engrais foliaires, adaptés au phénomène. (Il y a des plantes considérées comme carnivores alors qu'elles ne libèrent pas de tels sucs : elles réunissent toutefois les deux autres critères en même temps, la structure d'un piège ET l'absorption de la décomposition naturelle des proies. Darlingtonia californica est un bon exemple.)

Base d'un cils sensitif et cellules environnantes, au microscope.

Cette photo (unique apparemment sur le Net) montre la base d'un cils sensitif et les cellules environnantes, au microscope. La coloration est naturelle (aucun colorant ajouté) et je n'ai amplifié que le contraste dans les nuances de gris.
Remarquer les amas circulaires de cellules digestives (visibles également ci-dessus sous forme de globules colorés), les petites cellules pigmentées de l'épithélium, la dépigmentation de la zone de pliure du cil, difficile à voir à l'oeil nu.

Toujours dans la partie interne du piège mais sur le pourtour, il n'y a pas de glandes digestives où elles ne serviraient à rien mais des glandes nectarifères. Elles sont invisibles à l'oeil nu mais se manifestent par le suintement du nectar. Ce liquide très sucré se concentre en séchant et donne ainsi un reflet brillant. C'est donc aussi là que s'incruste une moisissure noire sans danger mais très inesthétique, la fumagine. Les insectes les plus variés sont attirés, surtout des mouches et des papillons, et c'est donc aussi là que l'on peut les voir tremper leur trompe. Comme ils ne peuvent pas s'accrocher sur les dents ils sont obligés de passer sur les lobes, en particulier au milieu où se trouvent les cils sensitifs.

Le pédicelle du piège est le resserrement qui le porte - je l'appelle souvent "attache". Son rôle n'est pas tant de soutenir le piège que d'augmenter l'efficacité de celui-ci par son étroitesse. C'est une partie du limbe réduite à la nervure principale. Chez les cultivars "Fused Petiole", "Crocodile"... ce pédicelle est inexistant et les lobes se prolongent donc en continu avec le reste de la feuille : on remarque une fermeture plus lente, une étanchéité moins grande au moins dans les premières minutes car le bas du piège est moins bien fermé. Le pédicelle est une partie solide de la feuille et se trouve en position terminale pendant la croissance, c'est-à-dire que l'ébauche du piège, très fragile, est replié donc protégé. On peut imaginer que la jeune feuille peut plus facilement traverser sans casse tout ce qui la recouvre.
Pendant la formation du piège se produit un phénomène que je n'explique pas (et d'ailleurs dont personne apparemment ne parle...) : ce pédicelle se met à grandir exagérément sur sa partie externe bref il se vrille en faisant parfois un tour complet voire plus. Ensuite il se déroule pour prendre sa forme droite.Retour en haut de page

Pétiole ou limbe proximal ?

Les feuilles servent à l'origine à capter la lumière du soleil pour en récupérer l'énergie. Le "panneau solaire" qui réalise cette opération et que l'on appelle toujours "limbe" en botanique est souvent fixé au bout d'une sorte de pédoncule appelé "pétiole". Cet organe permet la meilleure orientation possible vers le soleil mais n'est absolument pas obligatoire. Les feuilles de Graminées (comme le maïs ou l'herbe à gazon) sont par exemple fixées directement sur la tige.

Chez certaines espèces, des excroissances foliaires sont apparues ultérieurement de chaque coté du pétiole en formant ce que l'on appelle des "ailes" et qui donne donc l'aspect et la fonction d'un limbe. Le plus souvent, les autres espèces de la famille conservent majoritairement un pétiole classique. Les agrumes ont ainsi plusieurs espèces dont les feuilles sont ailées.

Lorsqu'une feuille comme celle de la Dionée est ainsi visiblement divisée transversalement en deux parties, la tentation est grande de voir le piège comme un limbe et la partie en dessous comme un pétiole ailé. C'est ce qui est communément admis et je ne partage pas du tout ce point de vue. Ainsi, dans tout le site, je parle d'une part du piège et d'autre part du limbe proximal et ce sera le cas tant que l'on ne présentera pas d'argument contraire valide. En effet, rien ne permet d'affirmer que par le passé ces prétendues "ailes" n'existaient pas ou que le limbe primitif n'ait formé que le seul piège et non le bas. J'ai, par contre, des éléments qui me laissent penser qu'il peut s'agir parfaitement et tout simplement d'une division fonctionnelle de la feuille aisément explicable. Je développe considérablement le sujet dans une page séparée : Pétiole ou proximal ?

Ce limbe proximal possède une forte nervure centrale, ce qui se comprend bien vu le poids que peut atteindre un piège avec sa proie. Si la feuille s'abaisse trop à cause de cela, elle risque provoquer la fermeture d'un piège voisin, et même à plusieurs reprises, ce qui est préjudiciable à la plante. Les vaisseaux conducteurs de la sève ont à transporter une sève équivalant non seulement à la sève élaborée riche en sucres, comme toutes les feuilles, mais aussi à la sève brute, riche en sels minéraux, produite normalement par les racines.

Le limbe proximal peut avoir une largeur extrêmement variable pour une même plante mais sa longueur est plus constante : il y a des variétés pour lesquelles il est court, d'autres long. Il est donc fantaisiste de comparer des clones en utilisant le critère de la largeur car l'année suivante les conclusions pourraient être à l'opposée.

Il y a, enfin, à la base de la feuille une zone particulière, blanche, qui ne participe pas à la photosynthèse. Comme elle enveloppe le rhizome on parle, en botanique, de feuille amplexicaule. Le terme "feuille embrassante" se dit plus précisément lorsque les lobes inférieurs de la feuille y participent, formant une sorrte d'anneau plat ; ce n'est pas le cas ici. Elle stocke les réserves et c'est pour cela qu'il faut impérativement la laisser lorsque l'on retire une feuille trop vieille, en tout cas tant qu'elle est claire, c'est-à-dire vivante, ce qui dure des années...
Cette zone, c'est important, est séparée du reste de la feuille par un étranglement, une zone qui ne manifeste aucune "aile", tout juste un angle aigu, la section ayant un aspect un peu triangulaire, en forme de ménisque convergent - i.e. de lune si l'on veut... C'est pour cela que, pour moi, c'est cette zone qui est le vrai pétiole, ce que je reprends dans la page Pétiole ou limbe proximal ?.

Denticules de bord de feuille
Remarquer les denticules inhabituelles sur le bord de la feuille

Les parties latérales peuvent également se prolonger coté piège, lui donnant un peu la forme d'un coeur. Cette zone peut enfin porter à certains moments de l'année (début ou fin de la belle saison) de petites dents, dont je parle dans la page Pétiole ou limbe proximal ? et que l'on voit sur cette photo.Retour en haut de page

Forme ou feuille prostrée, érigée

Chez la forme sauvage dite "type" (ou "regular" en anglais) il existe deux types de feuilles, que l'on qualifie de dimorphes. Par extension on le dit aussi de la plante entière. La croissance printanière fait apparaître des feuilles érigées étroites. Pendant l'été, les nouvelles feuilles sont au contraire de plus en plus larges, de moins en moins érigées pour finir plaquées au sol - on dit qu'elles sont prostrées.
Voici mon explication au phénomène :
- En automne et hiver, les plantes en repos ont tendance à être recouvertes par les feuilles que les plantes plus grandes perdent, les brins d'herbe, voire même des mousses qui poussent mieux car elles reçoivent plus de lumière.
- Les premières feuilles au printemps doivent donc transpercer la couche qui s'est formée : les feuilles prostrées ou larges ne pourraient traverser. Cette opération est facilitée par le repliement du piège, qui se casserait autrement.
- Ensuite, pendant la belle saison, les feuilles de la Dionée s'accumulent autour en forme de couronne, en retombant, "dégagent la voie" pour les feuilles suivantes.
- Pour recevoir un maximum de lumière, il vaut mieux qu'elles soient maintenant plus larges et perpendiculaires aux rayons du soleil. Certains parlent de feuilles d'hiver mais c'est ridicule puisque ce n'est pas à ce moment qu'elles se forment.

Certains évoquent aussi une classique adaptation au froid, les feuilles prostrées étant moins exposées à l'air glacial. Ce n'est pas négligeable mais l'on peut objecter :
- Lorsqu'il fait vraiment froid, la photosynthèse est ralentie sur le plan chimique et devient presque nulle chez ces organismes car cela coïncide en plus à la période la moins lumineuse.
- On n'observe pas de différence au niveau de la résistance au froid entre les clones prostrés et les clones érigés. En revanche, les Mousses ont une croissance maximale en automne et au printemps, les formes prostrées ne sont pas vraiment à leur avantage pour s'en sortir...
- A l'exemple de la "Red Sawtooth", la Dionée qui survit le mieux au gel est celle qui a perdu toutes ses feuilles car celles-ci font des ponts thermiques jusqu'au coeur de la plante et les cristaux de glace grandissent ainsi en profondeur.
- La Dionée est parfaitement adaptée à la perte de feuilles, c'est pour elle un mode naturel qui permet le renouvellement des pièges. En cas de grands froids où elles ne servent plus, conserver ainsi de vieilles feuilles plaquée au sol n'est pas vraiment un avantage évolutif puisqu'elle a une autre parade.
- Cela n'explique pas pourquoi, dans la nature et souvent chez les clones de cultures, les feuilles prostrées sont plus larges, alors que ceci est cohérent avec le besoin de recevoir plus de lumière.
Ce n'est que mon avis...

Le mécanisme du positionnement de la feuille demande une régulation plus fine qu'il n'y parait car elle pousse d'abord verticalement et ce n'est qu'une fois à la lumière qu'elle peut commencer ainsi à se courber vers le sol. Comme on peut s'y attendre, même si l'on n'y prête pas attention, on constate l'existence chez des cultivars de fluctuation importante et on voit même des plantes se soulever littéralement tellement les feuilles se replient vers le sol. Dans la nature cela pourrait entrainer un déracinement dangereux mais c'est aussi une manière de rester à la surface...

Le terme "forme prostrée" désigne une plante caractérisée par une majorité de feuilles plaquées au sol. Elles sont souvent larges.
C'est l'inverse pour la forme érigée.
Ces formes existent dans la nature, il ne s'agit donc pas de cultivars au sens strict. Il est possible de transmettre ces caractères par graines car ils sont stables génétiquement. Il n'en est pas de même pour la variété elle-même mais c'est un autre sujet traité ailleurs - voir La reproduction de la Dionée.

Un exemplaire de la variété "Chunky", photographié en début juillet, au moment où elle est la plus belle. Elle a des caractéristiques globales proches de la forme sauvage, contrairement à la plupart des autres variétés de culture (dits "cultivars"), mais elle frappe par l'élégance de ses couleurs en dégradé très doux. A ce moment de l'année il n'y a plus que des feuilles érigées, les feuilles prostrées restent d'ailleurs assez discrètes chez cette variété. Retour en haut de page

Le rhizome et les racines

Un rhizome est une tige souterraine et absolument pas une racine, ne confondez surtout pas.
C'est l'axe plus ou moins horizontal, entièrement blanc, recouvert et masqué par la base des feuilles. Comme toutes les tiges, il est capable de se ramifier, ce qui produira de nouvelles pousses. Chaque branche pourra être séparée au besoin. Les variétés de culture, en particulier les formes géantes, ont des rhizomes de taille importante et il est nécessaire de les diviser régulièrement. (Voir aussi reproduction).
Certains parlent de pseudo-bulbe parce qu'il ressemble à un bulbe mais ce type de structure est un rhizome très particulier à développement vertical, souvent réduit à un simple plateau, avec des feuilles au-dessus spécialisées dans le stockage, comme les écailles des Lis, les tuniques de l'Oignon, etc. On n'observe rien de tel chez la Dionée, le stockage dans la base des feuilles ne définissant pas un bulbe même si un jeune rhizome de Dionée y ressemble parfaitement. Ce terme "pseudobulbe" parfois employé décrit bien la situation mais les puristes l'évitent.
La fonction du rhizome n'est absolument pas d'absorber les sels minéraux ou l'eau du sol. Il sert avant tout de support et de zone d'échanges entre les feuilles et les racines. Il ne sert même pas vraiment au stockage des réserves car, objectivement, c'est la base des feuilles (partie souterraine) qui s'en charge. Par rapport au botaniste, le jardinier ne s'embarrasse pas de tant de nuances : le rhizome est pour lui toute cette partie blanche souterraine...

Les racines sont les filaments bruns ou noirs plus ou moins verticaux qui pendent sous le rhizome, avec une pointe blanche en période de croissance. Leur longueur ne dépasse guère une douzaine de centimètres. Elles peuvent mourir et être remplacées sans problème. Leur longueur et leur épaisseur est très significatif de l'état de santé de la plante mais les mortes sont presques semblables aux vivantes. On les distingue par leur perte de rigidité et vous pouvez les enlever mais les laisser ne pose pas de problème, et dans le doute...
Leur rôle essentiel chez la Dionée est l'absorption de l'eau alors que le milieu en est gorgée, une bonne partie des sels minéraux venant des proies par les feuilles. Autant dire que ce rôle est moindre que chez la plupart des autres plantes terrestres.

Un gros rhizome avec de petites racines (env. 3 cm une fois terminée leur croissance) est signe qu'il est grand temps de rempoter dans un nouveau mélange, c'est essentiel.
Rhizome descendant

Voici un rhizome dont la croissance est nettement orientée vers le bas. Le phénomène s'observe s'il a été planté trop près de la surface et aussi lorsque l'hiver arrive : c'est une protection contre les risques de gel ou de sécheresse. L'augmentation de la taille de la plante fait aussi qu'elle pourra être plus profonde...

Dionée forme filiformis, détail du rhizome

Les feuilles des Dionées sont toujours disposées en rosette mais si la croissance du rhizome est plus rapide que la disparition des feuilles, on observera un alignement de celles-ci dans le sens de sa croissance.Retour en haut de page

Rhizome de Dionée

Cette photo est exceptionnelle car on y voit un rhizome qui s'est allongé sans présenter les feuilles qui le masque habituellement. On peut donc constater (sa,s rien arracher) qu'il s'agit bien d'une tige souterraine et absolument pas d'un bulbe. Éviter ce terme ! On voit nettement deux ramifications latérales avec de jeunes feuilles encore blanches en formation. Remarquer le départ de racines en bas. Retour en haut de page

La fleur, classification

La fleur est formée de cinq pétales blancs, parcourus par des nervures translucides longitudinalement, qui paraissent grisâtres. Elle rappelle un peu celle du Fraisier. Pourtant, la Dionée ne fait pas partie de l'ordre des Rosales mais celui des Pariétales. Celui-ci comporte un très grand nombre de familles et notamment celle qui nous intéresse ici, les Droséracées.

Eh oui, la Dionée est très proche des Drosera et l'on considère que son piège est une évolution de la feuille bien connue et déjà carnivore, couverte de poils collants.

L'ordre des Pariétales est sujet à controverses et certaines familles sont quelquefois classées séparément. Cela ne concerne pas les Droséracées et les botanistes qui font cette nuance parlent alors d'Eupariétales pour ces Pariétales "standard".
Les Eupariétales comprennent aussi, pas exemple, les Passiflores, les Violettes et Pensées. Je n'en dirai pas plus pour ne pas vous faire fuir ;-)

Les fleurs des Dionées ont également 5 sépales verts qui entourent bien sûr les pétales. Ils se rabattront sur la fleur après la fânaison, qu'il y ait eu fécondation ou non.

Au centre de la fleur se trouve l'organe femelle (gynécée) dont on voit le stigmate divisé en de nombreuses branches qui recueilleront le pollen dès qu'elles se seront déployées. Le stigmate est porté par un pédoncule que l'on nomme style. Sous le style, on peut distinguer la partie extérieure de l'ovaire, qui disparaît dans la base de la fleur. Ce terme ne doit pas porter à confusion, l'ovaire a bien un rôle reproducteur femelle mais n'a strictement aucun rapport avec celui des animaux.

Le pollen, bien que pulvérulent, est considéré comme un organe mâle - donc ce n'est pas l'équivalent d'un spermatozoïde. Chaque grain contient 3 noyaux cellulaires, une caractéristique de la famille des Droséracées parmi les Pariétales. Déposé sur le stigmate, il germe en produisant un long tube pollinique qui grandira dans le style jusqu'à atteindre l'ovaire.
Le pollen, jaune pâle, est bien sûr libéré par les anthères, plus précisément par le sac pollinique qu'il y a au bout.
Un point important à noter est que les anthères mûrissent AVANT le stigmate. Bref, le pollen ne pourra pas être déposé sur le stigmate, qui est resté d'ailleurs refermé sur lui-même. On dit que la fleur est protandre, du grec "protos", qui marque l'antériorité, et "andros" qui veut dire "mâle". Ainsi, une même fleur ne peut pas se féconder accidentellement elle-même. Cela limite la consanguinité mais c'est très relatif car toutes les fleurs d'un même clone (ensemble des plants produits par division) sont génétiquement identiques. La nature a tout de même "prévu" une sécurité supplémentaire : la hampe les fleurs sont en plus décalées dans le temps...
Les pétales, en fânant, s'enroullent sur eux-même en emprisonnant les étamines. Encore une manière de limiter l'autofécondation car pendant ce temps le pistil est encore épanoui et prêt à recevoir des grains de pollen - pendant un jour ou deux, pas plus... Il est faux de dire que la nature évite la consanguinité car il y a énormément d'exemples qui prouvent le contraire. Simplement il y a des espèces où c'est un avantage de conserver une pureté génétique (parce que les combinaisons s'avèrent trop souvent défavorables) et d'autres où c'est la diversité au contraire qui offre une grande capacité d'adaptation. Dans un milieu stable et une être vivant "parfaitement" adapté la pureté est un avantage. Regardez comme les Utricularia subulata produisent des graines souvent sans même que la fleur ne s'ouvre, et pourtant, et pourtant elles sont redoutablement efficace. (C'est un vrai chiendent carnivore, cette plante !)

L'ovaire contient une trentaine d'ovules, terme également ambigu qui désigne en fait ce qui est une graine non fécondée. Chaque tube pollinique fécondera un ovule qui évoluera donc en une graine. La forme de l'ovaire révèle aussi une symétrie d'ordre 5, comme pour les pétales et sépales. Il y a en effet, ou en tout cas il y avait, 5 loges que l'on appelle carpelles. Celles-ci sont maintenant fusionnées en une seule cavité...

Sans fécondation, chaque ovule sèche en noircissant, ce qui le fait prendre pour une graine par le néophyte, bien plus petite et terne que la normale.

Après fécondation, l'ovule grossit, stocke des réserves dans son albumen, devient noir et brillant, durcit et ressemble finalement à un pépin. Si une bonne partie des ovules sont fécondés, les graines en grossissant vont gonfler l'ovaire jusqu'à laisser paraître leur forme à travers la fine membrane qui recouvre l'ensemble et finira par se déchirer 4 à 8 semaines après la fécondation. L'ovaire lui-même s'adapte en s'élargissant et devient ce que l'on appelle, par définition botanique, un fruit et plus précisément une capsule. Celle-ci est de forme sphérique très aplatie selon l'axe de la fleur.

Pour les spécialistes, la formule florale devrait donc être 5 S + 5 P + 10 (20) E + 5 C.

Voir le chapitre sur la reproduction par graines. Retour en haut de page

Vous trouverez sur le site de l'Université de Jussieu une page excellente sur le Dionée avec notamment de belles photographie.

Ci-dessous une superbe planche ancienne de botanique de la Dionée, tiré du site de DELTA System :